Le savon, c’est décidément toute une histoire à la Savonnerie des Diligences. Et même, des histoires : la genèse tout en péripéties de cette entreprise sise sur les contreforts du Mont-Orford mériterait sans doute qu’on en fasse un feuilleton à rebondissements, à entendre sa pétillante co-fondatrice et propriétaire, Marie-Eve Lejour, en évoquer les différents chapitres.
En 2020, déjà, invitée par Parkour3 à partager ses aventures d’entrepreneuse, Marie-Eve Lejour avait quelque peu ébahi, et conquis, son auditoire par la générosité de sa vision humaniste et son récit des nombreux obstacles surmontés à force de volonté pour lancer sa savonnerie. Alors que la pandémie s’abattait sur le pays et que l’horizon se chargeait de sombres perspectives, son optimisme souriant avait fait l’effet d’une éclaircie providentielle.
Trois ans plus tard, entre un déménagement enfin achevé pour cause d’usine inondée et la sortie de l’ère pandémique, la Savonnerie des Diligences essaie de retrouver cahin-caha sa vitesse de croisière. « Après la pandémie, les habitudes des gens ont changé. Ils ne sont plus aussi nombreux à faire l’effort de se rendre chez le commerçant », confie Marie-Eve à Parkour3, à l’occasion d’une visite des locaux de sa nouvelle usine, plantée au beau milieu de paysages bucoliques.
Malgré ces turbulences dues à un marché post-pandémie encore en mutation, la savonnerie garde le cap. En 18 ans d’existence, l’entreprise en a vu d’autres. Pas question de remettre en cause les principes fondateurs de la savonnerie qui a fait de son identité artisanale, locale et éco-responsable une marque de fabrique à part entière.
Ici, dans l’usine de l’entreprise où règne une ambiance familiale, l’artisanat n’est pas un vain mot : tout est fait à la main. Depuis le savant mélange des produits de base jusqu’à l’emballage des savons en passant par leur découpage et leur séchage, chaque étape est l’occasion pour la vingtaine d’employés qui y travaille de donner la pleine mesure de son savoir-faire, avec une attention aux détails et un soin de tous les instants.
« Nous appliquons des recettes ancestrales, mais, en même temps, nous sommes soumis aux mêmes règles que dans la production alimentaire. Nous devons être très vigilants », précise Marie-Eve Lejour.
Rien n’est laissé au hasard dans la fabrication des savons qui respectent des standards de qualité comparables à ceux de l’industrie du luxe. Chaque aspect du produit est pensé à l’aune de son impact social et environnemental. « Une véritable obsession. Nous recyclons tout. Tous les résidus de la production sont ré-utilisés », glisse Marie-Eve, pas peu fière de mettre de l’avant la fibre écologiste de son entreprise qui s’efforce de s’approvisionner en matières premières auprès de fournisseurs locaux.
L’émulsion des produits de base démarre la phase de la saponification. Une fois ce processus initié, le mélange est versé dans des moules qui sont mis de côté pendant un mois.
À force de détermination et d’inventivité, la Savonnerie des Diligences a réussi à se tailler une certaine notoriété. La haute qualité de son produit phare, le savon, façonné à partir d’huiles essentielles et d’autres ingrédients tout aussi nobles telles que la cire d’abeille ou des plantes aromatiques, y joue à coup sûr pour beaucoup. Mais cela tient aussi à ce qui le rend véritablement unique et lui confère une forme d’aura : sa légende.
Chaque savon est en effet associé à un personnage de fiction, une légende, tout droit sortie de l’esprit de Marie-Eve, acquise aux pouvoirs de la littérature sur les imaginaires et elle-même férue de lettres.
« Ça m’a pris 6 mois pour créer toutes les légendes des savons. Tout a été fait en cohérence avec les personnages de fiction, les recettes des savons comme leurs emballages, réalisés par un graphiste qui s’est inspiré de mes textes pour les produire. On a écrit la légende avant de faire le produit pour essayer d’établir un lien entre la légende et le parfum », raconte Marie-Eve Lejour.
Les employés de Parkour3 invités à visiter l’usine de la Savonnerie des Diligences située à Bolton-Est, en Estrie. « Crédit photo : Stéphanie Turmel ».
Ainsi sont nés « Madame Tignasse », « Le Patriote », « La Sirène », « Le Biérologue », « Le Jardinier », « Le Chocolatier », « La Gitane », etc., pour ne citer qu’eux. Chaque membre de cette galerie de personnages hauts en couleur est un savon, dont Marie-Eve se prend à rêver qu’il rompt un peu la solitude de ses utilisateurs sous la douche…
L’avenir à moyen terme de la savonnerie ? Marie-Eve Lejour concède que son prochain chantier portera sur une meilleure identification de sa clientèle-cible, un domaine d’expertise où excelle justement Parkour3…
Ce sera sûrement l’occasion d’écrire un nouveau chapitre pour cette entrepreneuse inspirée qui cultive l’art du rebond, et du rebondissement. On attend avec impatience les prochains épisodes…